Le Président de la République et son gouvernement ont décidé de s’attaquer au monde du travail via plusieurs dites «réformes» : Assurance Chômage, Retraites, Expérimentation RSA, France Travail, Lycées Professionnels,… qui ont toutes pour perspectives de satisfaire les besoins des entreprises au détriment des travailleurs, des privés d’emploi, de la jeunesse, rabougrir les missions des Services Publics tout comme de la Protection Sociale.
Annoncée dès septembre 2022 par Olivier Dussopt – Ministre du Travail, dans le cadre du projet « Objectif Plein Emploi », le gouvernement entend nous faire travailler plus longtemps, orienter les jeunes et les travailleurs privés d’emploi vers les besoins du patronat local, réduire nos droits.
Depuis la désignation de Thibault Guilluy pour mener une mission de concertation et de préfiguration sur la transformation du Service Public de l’Emploi en France Travail, la CGT Pôle Emploi s’est fortement mobilisée sur ce dossier qui a des conséquences sur notre avenir, nos missions et nos métiers.
La CGT Pôle emploi a participé aux groupes de « concertations » organisés par le Ministère, travaillé avec l’ensemble des structures et syndicats CGT qui seraient impactée par France Travail et organisé des Heures Mensuelles d’Informations et Journées d’Etudes pour les agents dans tous les établissements de Pôle emploi.
Retrouvez toutes nos communications : les épisodes « France Travail » de la CGT Pôle emploi (ce dossier est actualisé et intègre toute nos expressions passées et à venir). Le rapport de Thibault Guilluy sur France Travail est paru ce 19 avril après que le Haut commissaire l’ait remis au ministre du travail.
Ce rapport n’est aujourd’hui qu’un document de travail reposant sur 99 propositions, il est encore possible de peser pour en modifier l’objectif et ses conséquences, tant pour les personnels impactés que pour les usagers. Un projet de loi « Pour une nouvelle société du travail et de l’emploi » doit être discuté à l’Assemblée Nationale en juin prochain actant les choix gouvernementaux et parlementaires. L’opérateur France Travail (Pôle emploi), selon le projet de Loi doit être mis en œuvre dès le 1er janvier 2024, tandis que le « Réseau France Travail » doit être déployé progressivement d’ici 2027 selon le Rapport Guilluy.
France Travail : un écosystème « nébuleux » mêlant établissements publics, associations et entreprises privées
Poursuite de la libéralisation du Service Public de l’Emploi
Le Rapport Guilluy précise les contours du « Réseau France Travail » composé de trois opérateurs : France Travail (Pôle emploi), France Travail Jeunes (Missions Locales), France Travail Handicap (Cap Emploi) associés aux Partenaires France Travail : Organismes Publics et Paritaires (AFPA, APEC, CAF, MSA, CCAS, AGEFIPH, PLIE…) et Associations et Acteurs Privés (SIAE, E2C, EA, Intérim, Cabinets de Recrutement…).
Lors de ses vœux à la presse, le 26 janvier dernier, Olivier Dussopt, déclare : « cette nouvelle organisation du service de l’emploi… je dis service de l’emploi sans préciser service public car nous pensons à un certain nombre d’acteurs qu’il faut embarquer dans ce chantier tels que les acteurs associatifs, les acteurs privés, et tous ceux qui, dans les territoires, concourent à cet objectif de plein emploi. »
La création de France Travail s’inscrit donc dans la poursuite de la libéralisation du Service Public de l’Emploi. Composé historiquement de l’ANPE, de l’AFPA et des DRTEFP/DDTEFP (Directions Régionales ou Départementales du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle), la mise en œuvre du Plan d’Aide au Retour à l’Emploi (PARE) en 2001 y intègre l’ASSEDIC pour se finaliser en 2008 par la création de Pôle emploi (fusion ANPEASSEDIC) et intégration des Psychologues de l’AFPA en 2010.
France Travail (ex Pôle emploi) aura pour mission d’être à la fois l’animateur du « Réseau France Travail » mais aussi l’opérateur en charge des « communs physiques, numériques et méthodologiques » tandis que les 2 opérateurs spécifiques France Travail Jeunes et France Travail Handicap auront en charge de l’accompagnement de leur public spécifique.
Même si chaque Opérateur garde sa propre gouvernance actuelle, leurs missions se réduisent au profit du seul objectif gouvernemental : accélérer les parcours et le retour à l’emploi coûte que coûte.
La mise en place récente de « portefeuilles Métiers en Tension » au sein de Pôle emploi composés de travailleurs privés d’emploi inscrits (en formation ou en réorientation professionnelle) dans les secteurs de la Santé/Social, des Transports, de la Restauration/Hôtellerie étendue demain à l’ « Industrie dite verte » ou en Ile de France à la sécurité en prévision de la coupe du monde de rugby 2023 et des Jeux Olympique 2024 entend contraindre les travailleurs privés d’emploi à accepter des offres aux conditions de travail dégradées, aux salaires minima, au temps partiel subi et remet en cause le Conseil en Evolution Professionnel (cf. l’expression de la CGT Pôle emploi sur le Plan Métiers en Tension).
La mise en œuvre du Contrat d’Engagement Jeune a dévoyé le rôle des Missions Locales (cf. l’expression de la CGT Pôle emploi sur le déploiement du CEJ) tandis que le rapprochement Pôle emploi/Cap emploi – la captation par Pôle emploi de fonds AGEFIPH/FIPH – la mise en place d’équipe commune Emploi Handicap réduisent la mission d’accompagnement dans l’emploi des Cap Emploi au seul profit du retour à l’emploi (cf. l’expression de la CGT Pôle emploi sur le rapprochement Pôle emploi Cap Emploi).
Bien que le ministre Dussopt tout comme le rapporteur Guilluy réaffirment la place de ces opérateurs dans le réseau France travail et que chaque structure nationale, tant l’Union Nationale des Missions Locales (Cf. Communiqué UNML sur France Travail) que CHEOPS (structure patronale pour le réseau des Cap Emploi) émettent un satisfecit, la prédominance de l’Opérateur France Travail (ex Pôle emploi), pour la CGT Pôle emploi, menace à moyens termes leur avenir et leurs missions premières.
Par ailleurs, le recours aux Opérateurs Privés de Placement et aux Agences d’Intérim – considérés comme des Partenaires intégrant le « Réseau France Travail » – est plus qu’inquiétant.
Le rapport France Travail prévoit clairement :
La poursuite des prestations sous traitées : Accéler’emploi, EMS ≪ un emploi stable c’est pour moi ≫, Activ’projet.
Le renforcement du « le recours aux opérateurs privés sur des segments ou ils ont démontré leur plus-value, dans une logique de capacité : pour les demandeurs d’emploi destinés à accéder rapidement à l’emploi et de spécialité : création d’entreprise, accompagnement des licenciés économiques notamment » ;
L’accompagnement de profils ou secteurs particuliers : « Prendre en charge l’évaluation et la montée en qualification de profils dans des secteurs d’activité faisant appel à un niveau de technicité important : par exemple la tech, le spectacle, la communication, la santé » dans le droit fil du Plan Métiers en tension.
Prism’Emploi – organisation professionnelle des entreprises de travail temporaire et de recrutement – a signé des accords cadre avec l’ensemble des « futurs Opérateurs France Travail sous l’égide du Ministère du Travail » : Convention-cadre pour le recrutement des personnes handicapées le 24 septembre 2019, Accord-cadre pour l’emploi et la qualification des jeunes le 25 novembre 2021 et Accord Prism’emploi – Pôle emploi le 12 mai 2021 et se positionne clairement comme un interlocuteur privilégié, le Rapport Guilluy précisant même qu’ « il conviendra de mobiliser (…) les organismes de placement et les agences d’intérim pour mettre en œuvre des parcours intensifs a visée ≪ emploi direct ≫ pour les personnes prêtes a reprendre un emploi immédiatement ».
Ainsi est préconisé le renforcement de nombre de parcours intensifs « pour les personnes qui en ont besoin », l’objectif étant que 40% des privés d’emploi soient en parcours intensifs au lieu de 20% aujourd’hui à Pôle Emploi – liés à l’obligation des 15-20h d’activités hebdomadaires.
De plus, l’agrégation des offres sur le site Pole-emploi.fr est renforcée (malgré les alertes récurrentes du Comité National des Travailleurs Privés d’Emploi et Précaires CGT – cf. Communiqué 2022 sur les offres frauduleuses) l’objectif étant de « Permettre aux entreprises de publier leurs besoins de recrutement ≪ une fois pour tous ≫ en agrégeant mieux les offres déposées dans les différents job-boards publics et prives et en améliorant l’interopérabilité de la plateforme numérique France Travail avec tous les partenaires (service public de l’emploi, sites prives, collectivités…) ».
Le rapport évoque une expérimentation en cours permettant aux Entreprises de Travail Temporaire d’avoir accès, comme les employeurs, à la banque de données de Pôle emploi : « Les ETT pourront alors proposer ces profils plus facilement à des employeurs de leur portefeuille. Dans le cadre de cette expérimentation, l’ETT communique à Pôle emploi, en retour des contacts pris, des informations agrégées, ainsi que, via une seconde API, des données nominatives utiles à la mise à jour des profils des demandeurs d’emploi et à leur accompagnement » et recommande : « Il conviendra de généraliser cet accès à la banque de profils dans une logique de partage des données pour enrichir les profils et maximiser pour les personnes les opportunités d’emploi qui peuvent être proposées par les acteurs privés ».
La Convention Tripartite Etat-UNEDIC-Pôle emploi 2024-2027 (renégociée cette fin 2024) qui fixera les orientations stratégiques de l’Opérateur France Travail (ex Pôle emploi) risque donc d’accroître la privatisation de nos missions, renforcer le rôle et la place des Opérateurs Privés de Placement comme de l’Interim mais aussi redéfinir notre offre de service, en effet la Direction Générale de Pôle emploi évoque d’ores et déjà « une refonte des modalités de suivi et d’accompagnement des demandeurs d’emploi ».
Renforcement de la territorialisation
Au prétexte d’« une simplification des instances décisionnelles », la Gouvernance du « Réseau France Travail » est déclinée nationalement, régionalement, départementalement et localement (bassin d’emploi) avec systématiquement une présidence à chaque niveau assurée par l’Etat et les Collectivités Territoriales correspondantes (selon leurs champs de compétences) et une animation assurée par l’Opérateur France Travail (Pôle emploi). Les Organisations Syndicales/Patronales sont présentes au niveau National et Régional.
Bien que l’Etat conserve un rôle prépondérant, notamment dans le cadre national de la gouvernance politique, stratégique et financière du réseau « France Travail », cette territorialisation s’intègre dans la mise en œuvre de la réforme de l’Organisation Territoriale de l’Etat dans le droit fil de la Loi 2022-217 du 21 février 2022 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification) visant à accroître le rôle des Préfets de Régions comme de Départements dans la mise en œuvre de la politique d’austérité du gouvernement via la déconcentration accrue des moyens budgétaires alloués, de l’organisation territoriale des services publics et des modalités de gestion des personnels (pour les services de l’Etat).
Au prétexte d’ « assurer une meilleure coordination des différents acteurs et une plus grande efficacité », cette territorialisation libérale de l’action publique se traduit concrètement par la contractualisation Etat-Collectivités Territoriales dont l’objectif est à la fois de mettre en œuvre les politiques austéritaires (dans le cadre Programme de stabilité (PSATB) 2023-2027), contraindre les Collectivités Territoriales à s’engager financièrement, orienter les missions publiques au service des intérêts des employeurs,
favoriser le mise en compétition des territoires, des établissements et des travailleurs.
Le « Réseau France Travail » s’inscrit pleinement dans cette logique.
- Au niveau national : signature d’« une charte d’engagement » entre tous les acteurs du Comité National France Travail, présidé par le Ministre chargé de l’Emploi (ou son représentant), « conditionnant la participation aux instances et les financements de l’Etat », impliquant « un accord sur les principes de coopération, de subsidiarité et de transparence, un engagement sur le partage de la donnée et de l’intégration du patrimoine commun par l’opérateur France Travail (commun physique, commun numérique, commun pédagogique) »
– Au niveau Régional : signature d’« un Pacte France Travail Région ou PIC 2.0 » entre l’Etat et le Conseil Régional « sur l’offre de formation et son articulation avec les politiques d’emploi sur les besoins émergents par rapport au développement » et mise en place d’un Comité France Travail au sein du Comité Régional de l’Emploi, de la Formation et de l’Orientation Professionnelles (CREFOP)
Au niveau Départemental : signature d’une « Convention France Travail et Solidarités » entre l’Etat et le Conseil Départemental et mise en place d’un Comité Départemental France Travail et Solidarités en charge de l’insertion professionnelle des publics éloignés de l’emploi (dont BRSA) – Le projet de Loi précise qu’ « en l’absence de conventionnement, l’Etat peut organiser et financer ces actions en partenariat avec les acteurs des solidarités et de la lutte contre les exclusions »
Au niveau Local : signature d’un « Plan d’action local France Travail » et mise en place d’un « Comité France Travail » sur une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales (« après concertation entre le représentant de l’Etat dans la région, le président du conseil régional et les présidents des conseils départementaux ») en charge du diagnostic territorial et des actions à définir en matière d’emploi, d’insertion et de formation.
Par ailleurs, comme le confirme les Communiqués de Département de France, d’Intercommunalité de France et plus encore celui de Régions de France (« qui rappellent leur demande d’une régionalisation des politiques de l’emploi »), la volonté est forte d’une nouvelle décentralisation (et dépeçage) des politiques publiques en matière d’emploi. Le risque d’une orientation différenciée selon les territoires est réel comme en témoigne déjà la mise en œuvre de l’accompagnement des allocataires du RSA dans les départements expérimentaux.
D’ores et déjà, la Direction Générale de Pôle emploi développe en 2023 sur ordre gouvernemental des Préfigurations régionales France Travail dans deux régions volontaires : les Hauts de France et les Pays de la Loire. Il s’agit pour le gouvernement d’assurer un véritable « départ lancé » de France Travail au 1er janvier 2024 dans une dynamique construite conjointement entre chaque région concernée et l’Etat tant sur les volets de gouvernance de formation ou d’entreprise.
La généralisation du Pilotage par les résultats (« Le socle commun d’indicateurs suivis aux différents niveaux de gouvernance du réseau France Travail sera coconstruit en respectant une logique de pilotage par les résultats et non par les moyens ») à tous les niveaux au regard des objectifs et des indicateurs privilégiés par chaque territoire, tout comme la segmentation des activités et leur individualisation va à l’encontre de l’égalité de traitement et des droits pour tous les usagers, participe aux dévoiement de nos missions et renforce les dispositifs d’évaluation (et de contrôle) des personnels.
Normalisation idéologique – Création de l’Académie France Travail
Le « Réseau France Travail » rassemblerait plus de 100 000 agents exerçant divers métiers tant différents les uns les autres.
L’enjeu selon le rapport Guilluy est de créer « une culture commune de travail », « une communauté active » « entre les membres du réseau France Travail fédérés autour de principes, pratiques et outils partagés au travers de la charte d’engagement ». Il s’agit bien de faire adhérer l’ensemble des agents aux orientations stratégiques du « Réseau France Travail » définies par le Comité National France Travail présidé par le Ministre en charge de l’emploi.
Pour se faire, une « Académie France Travail » « physique et digitale » verrait le jour sous l’égide de l’Opérateur France Travail (Pôle emploi) avec pour mission d’agréger l’ensemble des formations existantes et dispenser les formations nécessaires tant aux nouveaux entrants dans le « Réseau » que d’accompagner les montées en « compétences » des agents en exercice. Afin de « favoriser l’entraide et le partage des pratiques », la mise en place de « clubs France Travail » est encouragée.
Nous sommes bien loin des revendications de la CGT Pôle emploi et du respect de l’Article 9 de la Convention 88 de l’Organisation International du Travail qui précise que « Le personnel du service de l’emploi doit être composé d’agents publics bénéficiant d’un statut et de conditions de service qui les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue ».
Pour la CGT Pôle emploi, la Formation, loin d’obéir aux besoins immédiats de l’employeur selon les « compétences » dont il a besoin à un instant donné, doit avant tout permettre aux travailleurs d’acquérir des « qualifications » reconnues au sein d’une « classification » et d’une Convention Collective lui permettant de percevoir un salaire correspondant. Cette formation qualifiante doit être réalisée en présentiel au plus proche des lieux de vie des agents.
France Travail : Vers le « plein emploi » précaire et imposé au seul service des employeurs sous menace de sanction
Le gouvernement présente « la création de France Travail au 1er janvier 2024 pour relever ensemble le défi du plein emploi et bon emploi d’ici 2027 ».
La CGT Pôle emploi aurait pu partager cette ambition et cet objectif à la condition d’avoir une analyse commune de la situation actuelle, une réelle perspective de plein emploi choisi et les moyens associés pour y parvenir.
Alors que le pays connait une grave crise sociale, démocratique et économique, le « plein » emploi relève soit d’une incantation hors sol soit d’une volonté délibéré d’imposer à tous les travailleurs privés d’emploi – dans une vision court-termiste – les besoins de mains d’œuvre du patronal local.
Le « bon emploi » est avant tout pour la CGT, comme le relève le mémorandum de la CGT transmise à Thibaud Guilluy et au Ministère du travail, un emploi choisi, en CDI, porteur de droits nouveaux et garantissant un véritable salaire pour vivre dignement et des conditions de travail améliorées.
Avec les contre-réformes de l’assurance-chômage (qui a réduit le droit des allocataires en terme d’ouverture de droit, de montant des allocations et de durée), la réforme des retraites (ayant pour objectif de reporter de 2 ans l’âge de la retraite et d’augmenter le nombre de trimestres cotisés), la prochaine loi immigration (portant des mesures de régularisation en lien avec les dites pénuries de main d’œuvre), des lycées professionnels (suppression de filières jugées non rentables et ouverture dans des secteurs voulus par la Patronat, mobilité forcée des enseignants…), les attaques portées au RSA (en obligeant l’inscription des personnes au RSA et leur ayant droits, même en démarche d’insertion sociale) et le développement des divers plans (Métiers en tension, DELD…), il s’agit bien pour le gouvernement de contraindre les travailleurs privés d’emploi à répondre au pénurie de main d’œuvre, mais surtout de garantir « un vivier de personnel » au patronat, permettant ainsi de maintenir des conditions de salaire et de travail toujours à la baisse pour l’ensemble des travailleurs.
La future loi « Pour une nouvelle société du travail et de l’emploi » entend bien mettre en œuvre France Travail et généraliser l’accompagnement intensif vers un retour à l’emploi forcé sans prendre en compte réellement les freins sociaux des usagers, leurs qualifications ou leurs choix, tout en obligeant l’inscription à France Travail de l’ensemble des personnes dépourvues d’emploi.
Inscription Obligatoire
Ainsi l’inscription pour toutes les personnes « ayant besoin d’un emploi » (dixit le rapport) ou allocataires (Assedic ou des minima sociaux) devient obligatoire et « tous les inscrits à France Travail devront intégrer une catégorie de demandeur d’emploi soit à partir de celles existantes – A, B, C, D et E, soit en les modifiant ».
Le gouvernement est dans l’obligation de revoir les éléments législatifs du code du travail :
– Remise en cause de l’inscription volontaire des demandeurs d’emploi, instituée par l’article L5411-1 du code du travail :« A la qualité de demandeur d’emploi, toute
personne qui recherche un emploi et demande son inscription sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de Pôle Emploi. »
– Remise en cause de la nécessaire disponibilité pour occuper un emploi portée par l’article R5411-9 du code du travail « est considéré comme immédiatement disponible pour occuper un emploi, la personne qui n’exerce aucune activité professionnelle, qui ne suit aucune action de formation et dont la situation personnelle lui permet d’occuper sans délai un emploi. »
Pour permettre une « inscription systématique, facilitée et accélérée à France Travail », le rapport prévoit :
La création d’un portail d’inscription partagé France Travail (en guichet ou de façon assistée sur des bornes numériques). Malgré les alertes du Défenseur des Droits sur l’illectronisme, le tout numérique s’impose (cf. Rapport de suivi sur les inégalités d’accès aux droits provoquées par des procédures numérisées à marche forcée).
Un réseau physique par un « maillage territorial à moins de 5 ou 10km de chez soi » en s’appuyant sur les guichets Pôle Emploi, Cap Emploi et Missions Locales, mais
aussi tous les partenaires volontaires publics ou privés (Maisons France Services, Mairie mais aussi Agences d’Intérim, Association d’Insertion etc.)
Une entrée en parcours rapide avec une orientation possible vers un des opérateurs France Travail par un algorithme
La CGT Pôle emploi n’est pas opposée en soi à l’inscription de tous les travailleurs privés à l’unique condition que le Service Public de l’Emploi serve les attentes, les besoins et les droits des usagers et non qu’elle conduise à une logique coercitive d’accompagnement forcé ou de sanction-radiation.
De plus la CGT revendique l’indemnisation de tous les privés d’emploi à un niveau décent, à hauteur de 80 % du dernier salaire avec, au minimum le Smic (revalorisé à 2000€) jusqu’au retour à l’emploi et pour les primo-accédant un revenu d’insertion ou une allocation d’autonomie équivalent à 80 % du Smic CGT.
Pour la CGT, le Service Public de l’Emploi doit garantir des implantations de proximité, permettant la réception physique des usagers, à leur demande, par du personnel formé et qualifié.
Contrat d’Engagement obligatoire et Sanctions démultipliées
Initiée par la Convention du 1er janvier 2001 relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage de l’UNEDIC et traduite au sein de l’ANPE par la mise en œuvre du Plan d’Aide au Retour à l’Emploi (PARE), la contractualisation dans le cadre d’un Plan d’Action Partagé (PAP) a conditionné le versement d’une indemnité à la recherche active d’un emploi. Le PPAE a succédé au PARE/PAP le 18 janvier 2006. La Loi du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi a quant à elle créé l’Offre Raisonnable d’Emploi.
Depuis, les conditions d’attribution d’un revenu de remplacement pour les travailleurs privés d’emploi se sont durcies avec les différentes Conventions d’Assurances Chômage ou Décrets – le gouvernement impose depuis la Loi Avenir Professionnel du 5 septembre 2018 aux « partenaires sociaux », une lettre de cadrage définissant les objectifs et la durée de la négociation et se substitue à eux en cas d’absences d’accord pour déterminer les règles de l’Assurance Chômage (Cf. Décret de 2019, 2021,
2023). Le contrôle s’est quant à lui renforcé avec la mise en place d’équipe de contrôle de recherche d’emploi (expérimentée en juin 2013 et généralisée depuis le 21 mai 2015).
Selon le rapport Guilluy et le projet de loi 2023, le PPAE (de Pôle emploi) et l’ensemble des dispositifs de contractualisation disparaissent et le Contrat d’Engagement s’impose à tous les inscrits à France Travail : « Chaque personne inscrite a France Travail signera donc un contrat d’engagement au début de son parcours (…) accessible aux différents intervenants professionnels pendant le parcours. Il précisera les objectifs poursuivis et les engagements réciproques pris pour les atteindre ainsi que l’ensemble des obligations liées à la mise en œuvre de son contrat d’engagement (par exemple, assiduité, réalisation d’actes, obligations de déclarations diverses, etc.), par lui-même comme par la structure qui l’accompagne ».
Le mot « sanction » ne revient pas moins de 85 fois dans le rapport ! Il est même proposé une nouvelle sanction intermédiaire « la suspension remobilisation » – pour les
personnes au RSA – qui permettrait de suspendre le droit à une allocation temporairement – pour tout ou partie – sans rupture de l’accompagnement avec possibilité de la reverser ultérieurement en cas de « remobilisation ».
Le contrôle des engagements des privés d’emploi sera exercé tant par l’opérateur Pôle emploi (Pôle emploi) que par France Travail Jeune (Missions locales). Les décisions de suspensions – pour tout ou partie – du RSA sera décidé par le Conseil Départemental ou par l’Opérateur France Travail en cas d’absence de « Convention France Travail et Solidarité » et de mise en place du « Comité Départemental France Travail et Solidarité ».
Pour la CGT, la signature imposée d’un Contrat d’Engagement pour toutes et tous n’a que pour objectif de renforcer les devoirs au détriment des droits et faire peser sur chacun la menace du contrôle, de la radiation et donc de la privation d’allocations (minima sociaux compris) essentielles pour vivre.
La CGT est opposée aux Radiations-Sanctions. Le droit d’obtenir un emploi, consacré dans la Constitution de 1946, doit s’accompagner du droit à une indemnisation de tous travailleurs privés d’emploi (primo accédant compris).
Les expérimentations d’accompagnement des personnes au RSA : une offensive contre 2 millions d’allocataires !
Dans le cadre des « concertations » menées par Thibault Guilluy, l’accompagnement des travailleurs privés d’emploi percevant le RSA a été l’axe central et principal de la préfiguration de France Travail.
Sans aucune consultation nationale au niveau du Comité Social d’Etablissement Central (CSEC), la Direction Générale de Pôle emploi, au prétexte du titre expérimental de cette évolution de l’offre de service ne l’a fait que dans les Comités Social et Economique (CSE) des Etablissements concernés et aucun n’a voté favorablement au déploiement de ces expérimentations.
Sur 19 bassins expérimentaux initiaux, 18 demeurent, le Conseil Départemental de Seine Saint Denis ayant retiré sa candidature (autant la CGT Pôle emploi peut partager certains éléments d’analyse du Président de ce département pour expliquer son retrait – Cf. Tribune Libération, autant la CGT Pôle emploi condamne la privatisation de cet accompagnement via ses Agences Locales d’Insertion – Cf. Article Mediapart).
A contrario, bien qu’opposée à ces expérimentations, la CGT Pôle emploi partage les mots des Présidents des Conseils Départementaux des Pays de la Loire, d’Ile et Vilaine et de la Métropole de Lyon, notamment lorsqu’ils indiquent dans un Communiqué commun : « Nous voulons peser sur la future réforme nationale et faire la démonstration que la voie de la solidarité est plus efficace que celle de la stigmatisation, que le renforcement de l’accompagnement est plus pertinent que le renforcement des sanctions ». Dans le même sens, avec une autre majorité que celle des Pays de la Loire, de l’Ile et Vilaine et de la Métropole lyonnaise, la CGT Pôle emploi se félicite du vote unanime par les élus du Conseil départemental de la Réunion de la « La Motion relative à l’expérimentation France Travail » qui stipule : « Les élus du Conseil Département réunis en commission permanente du mercredi 17 mai 2023 : demandent que le futur projet de loi France Travail prenne bien en compte les résultats de l’expérimentation à La Réunion, sont défavorables à toute évolution du régime des sanctions qui serait inadaptée à la situation réunionnaise, réaffirment la nécessité de mettre l’accent sur l’accompagnement social des publics les plus en difficulté et l’encouragement des publics les plus proches de l’emploi ».
Pour autant, à ce jour, seuls 11 territoires ont débuté l’expérimentation (Aisne, Aveyron, Creuse, La Réunion, Mayenne, Nord, Pyrénées Atlantiques, Somme, Vosges et
Yonne) dont la plupart au mois de Mai 2023. Par conséquent 7 départements n’ont toujours pas démarré.
Sans même attendre les évaluations de celles-ci, le gouvernement comme le rapport le prévoit, entend déployer dès 2024 ces expérimentations BRSA – soit au sein même des départements expérimentateurs ou auprès de nouveaux départements, avec l’objectif d’une généralisation effective à l’horizon 2027.
Ainsi, le rapport prévoit la généralisation de l’accompagnement intensif ou d’insertion – notamment pour les allocataires du RSA – sur le modèle du Contrat d’Engagement Jeune (que la CGT Pôle emploi a dénoncé lors de sa mise en œuvre) et ses 15 à 20h d’activités hebdomadaires. La CGT avait – avec d’autres – insisté lors des « concertations » pour que ces « activités » ne soient pas du travail gratuit comme le souhaitaient certains présidents de Conseils Départementaux. La propagande gouvernementale a insisté sur ce point. La CGT Pôle emploi ne peut que constater qu’aucun enseignement n’a été tiré du CEJ, le rapport d’évaluation de l’IGAS indiquant que « 40% des bénéficiaires n’atteignent pas le seuil des 15h d’accompagnement hebdomadaires et 20% sont en dessous des 5h ». Les collègues en charge du CEJ, outre la surcharge administrative de justification que cela engendre (comme pour tous les accompagnements liés à un financement FSE) connaissent les difficultés et l’inventivité nécessaire à remplir les tableaux Excel d’ « activité »…
La massification des nouvelles Préparation Opérationnelles à l’Emploi (fusion des POEI et AFPR actuelles) sans que nous en connaissions le contenu exact (heures de
formation, durée du contrat…) annoncée est inquiétante. De nombreuses entreprises profitent de ces mesures (et surtout des 400h de dites formations en entreprise) sans que le travailleur privé d’emploi acquière une réelle qualification et une insertion durable en CDI. Les objectifs à venir impacteront immanquablement notre accompagnement.
Le gouvernement continue ainsi sa politique coercitive vis-à-vis des personnes au RSA, ne souhaitant retenir de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion que le retour à l’emploi, en omettant l’obligation de la lutte contre la pauvreté et de l’aide à l’insertion sociale. Pourtant les études de la DREES et de la DARES démontrent que le non recours aux droits touche 34% des bénéficiaires du RSA (cf. Colloque du 13 décembre 2022 notamment). De plus, la DREES estime que 3 bénéficiaires du RSA sur 4 vivent sous le seuil de pauvreté dans son Rapport 2022 sur les « Minima sociaux et prestations sociales ».
Des obligations renforcées pour les travailleurs handicapés et une orientation « prioritaire » vers « le milieu ordinaire »
Si certains constats factuels du Rapport Guilly relatifs à l’état des lieux peuvent être partagés : « En 2020, les titulaires d’une reconnaissance de la qualité de travailleur
handicape (RQTH) représentaient 6,5 % de la population âgée de 15 à 64 ans », « le taux de chômage des personnes handicapées reste de 14 % contre 8 % pour l’ensemble de la population », « seules 30 % des entreprises remplissent leurs obligations d’embauche d’au minimum 6 % de collaborateurs en situation de handicap »… les propositions – hormis la transformation de Cap emploi en France Travail Handicap – apparaissent non contraignantes.
C’est dans le cadre des mesures sur l’accès à l’emploi de la Conférence Nationale du Handicap (CNH) du 26 avril 2023 et du projet de Loi « Pour une nouvelle société du travail et de l’emploi » que le gouvernement dévoile véritablement ses intentions.
Ainsi toute personne ayant une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) délivrée par une Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH) sera automatiquement inscrite comme Demandeuse d’Emploi à « l’opérateur France Travail » (Pôle emploi).
« Les équipes handicap issues de Pôle emploi-Cap emploi assureront l’accompagnement et le diagnostic d’employabilité des personnes » précise une des mesures retenues. Les conseillers devront donc apprécier l’orientation retenue : vers le milieu ordinaire, vers une entreprise adaptée ou protégée (ESAT). Ainsi ce ne sont plus les équipes pluridisciplinaires de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées des MDPH qui pourront évaluer et préconiser sur la base d’un dossier et d’un avis médical l’orientation vers le milieu protégé ou vers des établissements et services de réadaptation professionnelle ! Comme le précise la CNH : « les MDPH notifieront l’orientation en ESAT sur recommandation du service public de l’emploi après élaboration du projet professionnel ».
De plus, les entreprises adaptées de travail temporaire et les CDD Tremplins (en cours d’expérimentation) sont pérennisés dans le code du travail par le projet de Loi.
La convergence des droits sociaux accordés aux travailleurs en ESAT vers celles des salariés : (« garantie des droits collectifs issus du code du travail (droit de grève, représentation syndicale, intervention de l’inspection du travail…) et de nouveaux droits individuels (complémentaire santé, remboursement des frais de transport…) ne peut compenser l’exploitation qu’ils et elles subissent, la CNH précisant seulement qu’ « une réflexion sera lancée sur l’évolution de la rémunération des travailleurs en ESAT et le bénéfice de l’assurance chômage ».
La CGT Pôle emploi revendique la juste place des travailleurs handicapés dans l’accès à l’emploi, à la vie collective et à la dignité. Cela passe nécessairement par l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés en entreprise de 6% à 10%, par l’interdiction des licenciements pour inaptitude, par le renforcement du droit à une formation initiale et continue ouverte et accessible et, enfin, par une politique ambitieuse de prévention de l’ensemble des pénibilités au travail et de maintien dans l’emploi et de fins de carrière via les retraites anticipées.
Une nouvelle fois, comme pour les bénéficiaires du RSA, les privés d’emploi reconnus travailleurs handicapés sont soumis à l’obligation d’être dans une démarche active de recherche d’emploi (sous peine de sanctions), d’intégrer le milieu dit « ordinaire » et servir de vivier de mains d’œuvre précaire au bon vouloir du patronat.
Pour la CGT Pôle emploi, toute politique d’insertion (de tous les travailleurs privés d’emploi) doit s’accompagner d’une politique publique multidimensionnelle.
La réalité est telle que, bien que s’inscrivant dans des dynamiques de recherche d’emploi ou de formation, les personnes les plus éloignées du monde du travail se heurtent trop souvent à de nombreux obstacles : garde d’enfants, mobilité, problèmes de logement et/ou de santé, offres d’emploi adaptées ou décentes inexistantes sur certains territoires, discriminations…
Pourtant, au-delà du constat, sous le thème « améliorer la résolution des freins à l’emploi en systématisant le repérage et en favorisant l’accès aux solutions adaptées », seule des évolutions en matière de garde d’enfants est prévue dans le cadre du projet de Loi. En effet, l’article L. 214-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) est modifié désignant les Communes « Autorité Organisatrice » de la mise en œuvre de la politique d’accueil du jeune enfant dans le cadre de la stratégie nationale définie par le gouvernement. De facultative jusqu’à aujourd’hui, cette compétence devient obligatoire (son périmètre dépendant de la taille de la commune). Une nouvelle fois, L’Etat se désengage de sa responsabilité politique au détriment des collectivités territoriales.
Dans un autre domaine comme celui de la santé – la CGT Pôle emploi ne peut accepter que la Prestation « Parcours Emploi Santé » (externalisée et réalisée par des « partenaires » privés et « réservée » aujourd’hui aux DELD et CEJ) soit généralisée à l’ensemble de l’ « écosystème France Travail » et étendue à l’ensemble des inscrits à France Travail. Il en va de même de l’orientation des usagers vers la CPAM dans le cadre de la Mission d’Accompagnement Santé (MisAS).
France Travail : des interrogations en suspens…
Quel Financement ?
Le rapport Guilluy met en exergue une estimation budgétaire du projet en l’axant sur 4 thématiques : l’accompagnement des entreprises, l’accompagnement des personnes, « l’aller vers » et la transformation du « Réseau France Travail ».
Le besoin budgétaire supplémentaire s’établit pour le gouvernement entre 2,3 et 2,7 milliards d’euros pour la période 2024 – 2026.
Alors que le principal contributeur financier de Pôle emploi est l’UNEDIC (11% des cotisations perçues de l’année N-2 plus compensation par la CSG suite à la suppression des cotisations sociales salariales UNEDIC) – ce qui constitue un véritable holdup sur les cotisations des salariés et traduit le désengagement continu de l’Etat – l’avenir de l’Assurance Chômage gérée par les organisations syndicales et patronale est compromis. Une « négociation » doit avoir lieu sur ce sujet au 2nd semestre 2023.
Par ailleurs, la Convention Tripartite Etat – UNEDIC – Pôle emploi (Opérateur France Travail) doit avoir lieu fin 2023 dans la perspective de mise en œuvre d’un projet stratégique 2024-2027 qui s’inscrira dans la constitution et le développement du « Réseau France travail » mais qui fixera aussi la contribution UNEDIC au financement de l’ « Opérateur France Travail ».
Le risque est grand que l’Etat fasse main basse sur l’UNEDIC ou tout au moins se serve des fonds UNEDIC pour continuer à financer l’ « Opérateur France Travail » mais aussi le « Réseau France Travail ». Les 2,3~2,7 milliards d’euros correspondent à une contribution de +5 à 6% des recettes de l’UNEDIC. Pour la CGT, ce nouveau détournement serait inacceptable.
22 millions d’€ ont été acté dans le cadre du Projet de Loi de Finances 2023 pour participer au financement de l’accompagnement des personnes au RSA dans les 18 territoires expérimentaux. Cette somme a été fléchée par le gouvernement vers les Conseils Départementaux concernés.
Pour la CGT, il est à craindre que ces 2,7 milliards servent principalement :
– Aux Départements dans le cadre des déploiements de « l’accompagnement » des personnes au RSA,
- Au renforcement du recours aux Opérateurs Privés de Placement,
– A l’augmentation du Contrôle de la Recherche d’Emploi,
- Au déploiement des outils informatiques et numériques communs (la Direction des Systèmes d’Informations (DSI) de Pôle emploi selon le rapport Guilluy doit mettre en œuvre le SI du « Réseau France Travail » – Rappelons que la DSI de Pôle emploi ne comprend que 1580 agents auxquels s’ajoutent 1570 vacataires sur une année pleine ! Le budget alloué aux prestations privées est quant à lui de 205 millions € (en hausse constante ces dernières années, +11% en 2022).
Pour la CGT Pôle emploi, les missions du Service Public de l’Emploi doivent être financées par l’Etat tandis que celle relevant de l’indemnisation des travailleurs privés d’emploi par l’UNEDIC intégré à la Protection Sociale.
Quel Calendrier ?
Un déploiement progressif a été présenté au Conseil d’Administration de Pôle emploi ainsi qu’aux Elus du Comité Social et Economique Central :
En termes de calendrier, sous condition que le projet de loi soit adopté, la création de l’ « Opérateur France Travail » tout comme du « Réseau France Travail » doit intervenir au 1er janvier 2024.
Ce calendrier 2023-2027 témoigne des axes retenus par le Rapport Guilluy dans le cadre de la préfiguration et du rapport France Travail, de leur caractère structurant tant sur l’évolution des missions du Service Public de l’Emploi et de l’Insertion que dans leurs mises en œuvre.
La Direction Générale de Pôle emploi, depuis plusieurs années, déploie la quasi-totalité de ses projets de transformation via des expérimentations, des « Proof Of Concept » ou autres tests dans certains territoires afin – pour la CGT Pôle emploi – de les rendre inintelligibles nationalement, éviter les processus d’informations/consultation des instances représentatives du personnel nationales (l’instance n’étant consultée que lors de leur généralisation) et les nécessaires résistances du personnel comme des usagers.
Quels outils informatiques ?
Alors que la Direction des Systèmes d’Information de Pôle emploi est appelée à mettre en œuvre la « construction des communs numériques », la CGT Pôle emploi tient une nouvelle fois à alerter – outre l’externalisation et la privatisation de nombre de prestations sous traitées et le manque cruel d’effectifs d’agents titulaires – sur le recours par Pôle emploi à Office 365 et l’hébergement des données bureautiques, des services de collaboration ou de communication chez Microsoft.
Au mépris de la nouvelle doctrine « Cloud au centre » de l’Etat qui impose le recours à des solutions sécurisées et protégées des ingérences étrangères, de l’interdiction par de nombreux ministères de l’utilisation d’Office 365, son développement au sein de Pôle emploi et demain dans le « réseau France Travail » ne peut que nous inquiéter en termes de sécurisation des données vis-à-vis du Cloud Act américain.
Comme nous l’avons rappelé tant au Conseil d’Administration de Pôle emploi (où seule la CGT a voté contre Office 365 et son déploiement) que dans l’ensemble des instances représentatives du personnel – tant dans les établissements qu’au niveau national – le risque est réel d’immixtion étrangère, de piratages informatiques mais aussi de surveillance des activités du personnel (des fonctions d’O365 le permettent).
Construire un front unitaire large contre la mise en place de France Travail
La CGT, ses Fédération et ses syndicats impliqués par la création de France Travail travaillent depuis plusieurs mois conjointement pour analyser et combattre les attaques gouvernementales de régression sociale dont France Travail fait partie.
Si le « Réseau France Travail » voit le jour, ce serait un bouleversement pour le Service Public de l’Emploi et de l’Insertion et pour l’ensemble des personnels. L’ensemble des missions et des métiers seraient impactés.
La CGT Pôle emploi ne peut accepter de :
- Stigmatiser les travailleurs privés d’emploi en les rendant responsables de leurs situations,
- Transformer le Service Public de l’Emploi et de l’Insertion en un simple « service de l’emploi » réduisant les missions publiques afin d’accroitre le recours à la sous-traitance et aux opérateurs privés de placement,
- Renforcer la décentralisation en accroissant le pouvoir aux collectivités territoriales et aux préfets avec le risque d’une régionalisation ou d’une offre de services publics territorialisée qui ne garantirait plus l’égalité de traitement sur tout le territoire,
- Généraliser le contrat d’engagement à tous les inscrits de France Travail et augmenter les contrôles de recherche d’emploi donc les radiations et la possibilité de supprimer tout ou partie des allocations des travailleurs privés d’emploi (et leurs ayant droits),
- Prendre comme modèle le Contrat d’Engagement Jeune et ses 15 à 20h d’activités hebdomadaires pour développer les parcours intensifs et ainsi supprimer le Conseil en Evolution Professionnelle qui adapte le parcours de chacun en fonction de ses choix et spécificités,
- Soumettre l’attribution du RSA mais aussi toutes les allocations à un parcours contraint et d’éventuelles sanctions, niant les histoires de vie de chacun et la nécessaire approche sociale de l’accompagnement,
- Transformer les services aux employeurs en automatisant les aides et exonérations sociales sans conditionnalité en matière d’emploi et d’environnement,
- Développer le tout numérique imposé, la mise à distance des usagers et la réduction des accueils physiques,
- Déployer un pilotage du Service Public par les résultats en lieu et place d’une logique de moyens,
- Ne pas garantir la sécurité des données personnelles des usagers du service public et de la protection sociale,
- Construire une société du « plein emploi » précaire, sous payé et non choisi.
Pour la CGT Pôle emploi,
un autre Service Public de l’Emploi est possible !
Notamment :
- En renforçant les missions publiques, les Services Publics et ses moyens,
- En indemnisant tous les travailleurs privés d’emploi (primo accédant compris),
- En développant un accompagnement global et social centré sur les attentes et les besoins des usagers,
- En permettant à toutes et tous d’avoir un emploi choisi, correctement rémunéré, en CDI/statutaire ou une formation qualifiante si nécessaire,
- En garantissant au seul Service Public de recueillir les offres d’emploi, de vérifier leur légalité et le respect des conventions collectives,
- En conditionnant le versement d’aides publiques à l’emploi pérenne, à des salaires dignes et au respect de l’environnement,
- En passant aux 32h (payées 35) pour permettre à toutes et tous de travailler,
- En augmentant les salaires et les traitements – a minima indexé sur l’inflation avec rattrapage des pertes accumulées – et les cotisations sociales patronales
En prévision des débats sur la loi « Pour une nouvelle société du travail et de l’Emploi », prévus fin Juin 2023, la CGT Pôle emploi prendra contact avec les groupes parlementaires (excepté l’extrême droite) afin de leur porter notre analyse et les risques encourus de ce projet.
D’ores et déjà, la CGT Pôle emploi travaille avec ses Fédérations et la Confédération à construire la mobilisation de tous les travailleurs dans un cadre large et unitaire pour s’opposer à la mise en œuvre de France Travail.
LA CGT POLE EMPLOI SE MOBILISE
POUR GARANTIR UN REEL SERVICE PUBLIC DE
L’EMPLOI ET LE DROIT A UNE JUSTE
INDEMNISATION POUR TOUTES ET TOUS REPONDANT AUX
BESOINS ET ATTENTES DES USAGERS.