Dans une tribune au « Monde », un collectif de diverses associations de solidarité et des syndicats (dont la CGT) prend position contre certaines dispositions du projet de loi pour le plein emploi.
« Ce texte prévoit de conditionner le RSA à la réalisation de 15 à 20 heures d’activité. Le projet de loi pour le plein-emploi est examiné le 10 juillet au Sénat. Sous prétexte de remobilisation, le revenu de solidarité (RSA) sera conditionné à la réalisation de quinze à vingt heures d’activité sous peine de suspension de son versement en vue, soi-disant, de la « remobilisation ».
« La recherche du plein-emploi peut certes réduire la pauvreté globale, mais ne doit pas accentuer la misère de certains et stigmatiser les plus éloignés de l’emploi. Il serait indigne pour notre pays de priver des ménages de toute ressource. Le travail est un facteur d’intégration et d’émancipation, s’il est librement choisi et s’il s’exerce dans des conditions décentes. »
« Certains secteurs d’activité en tension ont besoin de main-d’œuvre, mais peinent à recruter et à garder leurs salariés au regard de garanties collectives de bas niveau et de conditions de travail peu attractives voire très pénibles. Avec son projet de loi Plein emploi, le gouvernement semble vouloir pallier ces difficultés en y positionnant les allocataires du RSA voire les travailleurs avec un handicap ou les jeunes de moins de 25 ans, même contre leur gré. Or, la difficulté d’accès à l’emploi des allocataires du RSA est due à des facteurs multiples. Il est d’abord essentiel de leur faciliter l’accès au logement, à la mobilité durable, aux soins, et à la garde des enfants. Il ne doit pas y avoir de pression abusive pour accepter n’importe quel travail, sans tenir compte des compétences et des projets des personnes. »
Des risques de radiation massive d’allocataires
« Nous dénonçons le risque de « trappe à précarité » pour les personnes devant accepter des emplois très précaires, temps partiels subis ou contrats courts, n’ouvrant ensuite pas droit à l’assurance chômage. Augmenter les contraintes n’est pas la solution et renforce la stigmatisation des personnes.
L’inscription obligatoire des conjoints des allocataires du RSA à Pôle emploi, demain renommé «France Travail », augmente le risque des contrôles abusifs de la situation globale des ménages, qui pourrait accentuer le non-recours aux droits. »
« Nous alertons également sur les risques de radiation massive d’allocataires et sur les risques de pression institutionnelle, risques aggravés par la dégradation des conditions de travail des agents de Pôle emploi qui vont devoir faire face à l’arrivée de près de deux millions d’allocataires du RSA, selon l’Insee, et leurs conjoints inscrits automatiquement. Le mirage du traitement numérique des chômeurs porte les graines d’une déshumanisation de l’accompagnement et pose des problèmes majeurs de protection des données. »
Revaloriser le RSA et l’indexer sur l’inflation
« Alors que la décentralisation était au cœur du programme d’Emmanuel Macron, l’Etat veut reprendre aux départements et aux régions des compétences puisque ces collectivités pourraient être subordonnées à France Travail, opérateur de l’Etat. Cette tentation de recentralisation risque de décourager ou démotiver les acteurs de l’insertion, parfois trop peu mobilisés. »
Nous portons un projet alternatif de plein-emploi solidaire.
« Ce projet s’articule autour de trois principes :
– Le droit à l’emploi en premier lieu. Différentes initiatives montrent qu’il est possible et fécond d’adapter le travail aux personnes éloignées de l’emploi. Pour que ce droit soit effectif et, afin de répondre au sentiment de relégation, il doit s’accompagner d’une lutte contre les discriminations à l’embauche de tous ordres.
– Le droit à l’accompagnement deuxièmement. Les ambitions énoncées dans le projet de loi nécessitent des moyens importants qui doivent être adoptés en parallèle. Il convient également de sécuriser les actions des acteurs de l’insertion par l’activité économique en assurant leur financement sur le long terme.
– Enfin, le droit de vivre dignement. Le niveau actuel du RSA ne permet qu’une maigre survie. Il ne permet pas de sortir de la grande pauvreté et on dénombre un million de travailleurs pauvres. C’est pourquoi il faut revaloriser significativement le RSA et l’indexer sur l’inflation des petits revenus comme le smic. »
Les signataires de cette tribune sont : Sophie Binet, secrétaire générale CGT ; Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité ; Véronique Devise, présidente Secours catholique ; Laurent Escure, secrétaire général UNSA ; Daniel Goldberg, président Uniopss ; Marie-Aleth Grard, présidente ATD Quart-monde ; Noam Leandri, président Collectif Alerte ; Marylise Léon, secrétaire générale, CFDT ; Florence Rigal, présidente Médecins du Monde ; Pascale Ribes, présidente APF France handicap ; Antoine Sueur, président Emmaüs France.
La CGT Pôle Emploi s’associe pleinement à cette tribune, dans la continuité de son opposition au projet de loi de plein emploi.
Alors que le projet de loi vient d’être adopté, le mardi 11 juillet, au Sénat (250 voix Pour, 91 voix Contre), le texte sera désormais transmis à l’assemblée nationale en septembre.
Alors que les mesures proposées par le gouvernement dans le cadre du projet de loi avaient déjà de lourdes conséquences sur les travailleurs précaires, les privés d’emplois, allocataires des minimas sociaux, travailleurs handicapés et jeunes en insertion (retrouvez notre analyse détaillée), des amendements supplémentaires (amendements adoptés en commission des affaires sociales, suite au rapport de la commission, amendements adoptés en séance publique) ont renforcé encore la contrainte, notamment en complétant la définition du contrat d’engagement afin qu’elle traduise l’obligation d’une durée d’activité hebdomadaire, 15h d’activités hebdomadaires, pour les personnes aux RSA, les bénéficiaires de l’ASS et les chômeurs de longue durée.
Dans le même temps, les sanctions sont renforcées avec la nouvelle sanction suspension remobilisation, mais le sénat a été encore plus loin en limitant les sommes pouvant être versés rétroactivement à trois mois de RSA. En terme organisationnel, le Sénat n’a pas souhaité que Pôle Emploi prenne le nom de « France Travail » mais conserve celui de Pôle Emploi, pour éviter toute confusion entre opérateur et décideur. Le Sénat a également supprimé la signature de charte d’engagements par les représentants nationaux des membres du réseau France Travail.
Le calendrier parlementaire s’étend de juin à septembre, un plan de travail se met en place, pour informer des conséquences du projet de loi, faire connaître les propositions CGT et organiser la riposte.
Avec ce projet de loi, à Pôle Emploi, nos missions de service public et nos métiers sont attaqués, impactant inéluctablement les conditions d’accueil et d’accompagnement des usagers et nos conditions de travail. Et demain ?
Il est encore temps d’agir pour une autre politique du service public de l’emploi !
ORGANISONS-NOUS ! REJOIGNER LA CGT POLE EMPLOI !